L’évaluation des risques psychosociaux reste encore peu maîtrisée dans le paysage de l’évaluation des risques professionnels. A travers ce court article, je vous propose 5 points clés pour réussir votre stratégie d’évaluation de ces facteurs de risques.

 
Point clé n°1 : Opter pour un recueil des perceptions individuelles par le recours à un questionnaire normé
 
Les risques psychosociaux se développent lorsque survient un déséquilibre dans la perception qu’a un salarié de la situation professionnelle à laquelle il est exposé et des ressources dont il dispose pour y faire face. L’évaluation doit permettre d’appréhender l’ensemble des sources potentielles de ces déséquilibres selon plusieurs axes : charge de travail, latitude décisionnelle, soutien social, rapport effort/récompenses, justice organisationnelle, valeurs/éthique, sécurité de l’emploi).
 
Je suis très réservé sur la pertinence des évaluations faites à partir de groupes homogènes d’exposition – GHE (ou groupe d’exposition homogène – GEH). Je les trouve beaucoup trop empruntes de préjugés (détermination à priori des potentielles expositions) et peu encadrées par des règles scientifiques validées. 
 
Par ailleurs, ce type de démarche mobilise beaucoup de temps et de ressources pour des résultats assez standards. Bien souvent, ces démarches aboutissent à la formulation d’actions générales. Enfin, si l’évaluation s’étale trop dans le temps (plus de 3 mois), c’est toute la stratégie de prévention qui est fragilisée, avec de très probables décalages entre les actions mises en oeuvre et les situations réelles de travail qui évoluent et se transforment en permanence.  
 
A cette étape, le consensus risque de vous conduire à lisser les situations critiques alors que le rôle de l’évaluation est de les identifier.
 
Les démarches de « transformation intégrée » (plus complexes à mettre en oeuvre) devront davantage s’orienter vers les outils de la qualité de vie au travail tout en veillant à respecter les obligations légales en matière d’évaluation et de prévention des RPS (L.4121-1 et L4121-3 du code du travail). Un accompagnement expert me semble incontournable pour ce type de démarche.
 
Point clé n°2 : Bien choisir son questionnaire (et l’adapter si besoin mais avec rigueur)
 
Il existe des questionnaires validés au niveau scientifique. Chacun permet d’identifier une série de facteurs : 
  • Le questionnaire KARASEK permet d’identifier trois axes : La demande psychologique, la latitude décisionnelle et le soutien social;
  • Le questionnaire SIEGRIST permet d’appréhender les relations entre efforts et récompenses;
  • Les questionnaires GHQ (12 et 28) permettent d’identifier les troubles psychiques;
  • Le questionnaire GREENBERG selon l’échelle de COLQUITT permet d’appréhender la notion de justice organisationnelle;
  • Le questionnaire issu du groupe d’expert dit « GOLLAC » a esquissé une trame « consensuelle ». Il est promu par l’INRS sous la référence ED6403.
Ces questionnaires sont le fruit de travaux de recherche validés par le monde scientifique (A l’exception du questionnaire GOLLAC qui est le fruit d’un travail de synthèse de l’ensemble des travaux de recherche). La formulation des questions ainsi que l’affectation des scores sont basées sur ces travaux. Toute modification de ces éléments entraine inéluctablement une transformation du modèle général. Il convient donc, pour toute adaptation, d’être accompagné par un expert. 
 
Point clé n°3 : Intégrer l’évaluation (score) dans le traitement des réponses
 
Chaque questionnaire a été construit avec une méthodologie très stricte d’affectation des scores par questions. Seul le questionnaire de l’INRS reste, à ce jour, sans système de cotation. Attention, les cotations sont différentes d’un questionnaire à l’autre. Il conviendra de construire un système de cotation homogène dans toute démarche de fusion ou d’intégration de ces questionnaires.
 
Point clé n°4 : Prévoir et organiser la gestion des alertes
 
Lorsque nous procédons à une évaluation des RPS, il peut nous arriver d’identifier des situations critiques. C’est aussi le but et la pertinence de cette approche à la fois individuelle et collective. Elle doit permettre de tracer de grandes tendances d’actions pour la prévention globale tout en permettant d’identifier les situations individuelles fragiles ou critiques.
 
C’est sur ce point que le respect de l’anonymat peut entrer en conflit dans la méthodologie générale. C’est pourtant un point incontournable. 
En travaillant avec un prestataire externe, ce point critique peut être directement géré par ce dernier en créant une passerelle avec l’employeur pour que celui-ci puisse exercer pleinement sa responsabilité en matière de protection de la santé des salariés. 
Dans le cas d’un traitement en interne, il conviendra d’intégrer un moyen de contacter les personnes directement par téléphone en cas de situation critique et/ou d’intégrer le service de prévention et de santé au travail dans le processus de gestion de ces alertes.
 
Point clé n°5 : Elaborer une stratégie de traitement des données
 
Le questionnaire devra être paramétré pour favoriser un traitement catégoriel et structurel des données afin d’identifier des catégories de personnes à risque (ou en situation critique) et des unités de travail dans lesquelles les besoins seront à renforcer
 
Ces éléments de paramétrage seront utiles pour construire des actions de prévention par catégorie (Age / genre / ancienneté / CSP) et par unité (intégration des résultats dans le document unique d’évaluation des risques professionnels – DUERP).
 
Bonne démarche à vous et n’hésitez pas à me contacter au besoin : jprodrigues@live.fr / 0648997278.